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Le projet d’accouchement à domicile

            Pour notre troisième enfant, nous avons choisi la naissance à la maison. Il ne s’agit ni d’un défi, ni d’une démarche militante, ni de retourner aux sources, mais plutôt un choix par défaut dans un premier temps : si les suivis de grossesses et les accouchements précédents en maternités m’avaient complètement satisfaite, je n’aurais pas songé à l’accouchement à domicile (AAD pour aller plus vite).

            Au cœur de ce choix se pose la question de la responsabilité : la notre en tant que parents dans l’accueil de cet enfant : mon compagnon et moi voulons choisir comment nous voulons accueillir cet enfant et je tiens particulièrement à voir mes besoins et mes désirs de femme en travail respectés. Je veux vivre cette naissance pleinement, en être le centre pour mettre au monde mon bébé.
            Il n’est plus possible pour nous, après avoir été informés sur la naissance respectée et avoir rencontré des couples et des sages femmes qui ont vécu des AAD, de devenir des patients passifs et un peu perdus dans le milieu médical, que l’on oriente sans complètement informer et accompagner. Il n’est plus possible pour moi que l’on me dise dans quelle position accoucher et quand pousser quand mon corps me dicte autre chose.
« On » ne m’accouchera pas. Je vais mettre au monde mon bébé et Nous organiserons les choses en fonction de nos convictions, de nos possibilités et de nos limites pour savourer, déjà, notre responsabilité parentale.
            J’ai la conviction que le bien être des familles ainsi que le fait de se sentir responsable et compétent face à l’enfant sont complètement liés au bon déroulement de la naissance et au respect des besoins de chacun.
Si nous avons, contrairement à de  nombreux mammifères, la capacité de « rattraper » ce qui a été raté, c’est souvent en passant par un processus long et douloureux. Des années après la naissance de leur bébé, certains parents racontent avec beaucoup d’amertume comment un geste, une parole maladroite, une décision hâtive prise sans leur consentement a bouleversé les premiers mois de la relations avec leur enfant.
            Quant à la sécurité, il faut savoir que la sage femme nous suit dans notre projet uniquement si je remplis toutes les conditions médicales. De plus, des études ont montré que le pays industrialisé qui présente le taux de mortalité infantile et maternel le plus faible est la Hollande : pays où un tiers des accouchements ont lieu à la maison et où les sages femmes sont au cœur du suivi de la femme enceinte.
            Très concrètement, voilà ce qui m’a amené à envisager l’AAD avec conviction :
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La peur et le protocole hospitalier :

            Quand j’évoque l’AAD auprès de femmes qui n’en ont jamais entendu parler ou qui n’ont pas accouché, la majorité me demande si je n’ai pas peur et me trouve courageuse. Ce à quoi je réponds qu’après mes deux premières expériences, c’est l’hôpital qui me fait peur et que, de mon point de vu, ce sont les femmes qui accouchent en maternité sans péridurale qui sont très courageuses, car elles sont seules, sans la présence attentive et bienveillante d’une sage femme qu’elles connaissent et en qui elles ont toute confiance. Elles doivent se plier à un protocole qui est souvent contraire à leurs besoins et leur confort.
            La péridurale me fait peur car elle m’a complètement anesthésié, me rendant incapable d’accompagner mon bébé vers l’extérieur. Il a fallut l’extraire manuellement de façon assez violente pendant qu’une puéricultrice m’appuyait fortement sur le ventre.
            La salle de naissance me fait peur car elle ressemble plus à une salle d’opération bourrée d’instruments inquiétants.
            Le bruit incessant du cœur du bébé amplifié par le monitoring me fait peur car j’ai toujours l’impression qu’il est trop lent ou trop rapide et cela capte mon attention, m’angoisse et amplifie la sensation de douleur.
            J’ai peur d’avoir mal et de crier, de pleurer et de me montrer en spectacle.
            Je dois me plier à certaines règles qui gênent le bon déroulement du travail : changement de tenue, de salle, pose de la perfusion, touchers vaginaux réguliers, confinement sur la table, monitoring …

L’accueil du bébé :

            Après avoir décidé pour moi qu’il était temps de pousser puisque je ne sens rien, le bébé est là et nous n’avons pas notre mot à dire quand on l’amène pour le laver/peser/mesurer et pratiquer des gestes violents et souvent inutiles sans nous informer, comme l’aspiration, les gouttes dans les yeux …
            J’avais un bébé tranquille sur moi, on me ramène un enfant hurlant qui se calme très vite à mon contact.
            Il faut le mettre au sein, on contraint bébé en le tenant derrière la tête sans attendre qu’il manifeste l’envie de téter.
Puis, ouf ! Plus personne.
            Les jours suivants, on vient le prendre sans se soucier de savoir s’il dort ou va bientôt réclamer son repas.

Le confort :

            La chambre est un hall de gare dans lequel se succèdent tous les matins, à l’heure où bébé est le plus calme et donc, où je pourrais dormir, des personnes qui ne se présentent pas. Ce qui fait qu’un jour, je pose des questions concernant l’allaitement à la femme de ménage qui me répond très gentiment et fort justement.
            La pièce est petite et les visiteurs ne savent pas où se mettre. Les enfants s’impatientent et font du bruit. La nuit, quand bébé pleure, j’aimerai tant parcourir des kilomètres de couloir ou changer de pièce … juste pour décompresser.
            Je suis seule, sans mon compagnon qui s’occupe de notre fils aîné. J’aimerai être entourée de ma famille et trouver un peu de réconfort et un relais auprès de mon compagnon quand les nuits sont longues.

Voilà ce que j’aimerai pour cette naissance à la maison :

            Tout d’abord, au cour de la première moitié du travail, je souhaite continuer à vivre comme d’habitude : dormir ou me reposer si c’est la nuit, avoir mon activité quotidienne si c’est le jour. Manger et boire quand j’en ai besoin. Surtout, ne pas compter les minutes entre les contractions mais me fier à mon corps qui m’avertira quand il sera temps de passer aux choses « sérieuses ».
            Quand le travail deviendra plus intense (un signe qui ne me trompe pas : je ne souhaite plus parler car il faut que je me concentre sur les contractions et que je m’isole pour les vivre plus sereinement) je souhaite que l’on me laisse tranquille ou que l’on m’aide quand j’en aurai besoin à trouver une position confortable, prendre un bain, me déshabiller …
            Je veux pouvoir me déplacer quand je le souhaite, même dehors, écouter de la musique, être dans le noir, seule ou accompagnée …
            Pendant ce temps, mon compagnon et la sage femme seront là si j’ai besoin d’eux ou discrets si leur présence me gêne. Mon compagnon sera aussi à l’aise d’aller et venir dans un espace plus vaste qu’une salle de naissance et de s’occuper comme il le souhaite au lieu d’attendre interminablement sur un fauteuil inconfortable.
            Je souhaite accoucher dans la position qui me va le mieux et être soutenue par la sage femme si je doute ou si je flanche. Je sais qu’elle est là pour moi, inconditionnellement, qu’elle a l’habitude des accouchements physiologiques : elle sait que les femmes peuvent avoir de « drôles » de réactions. Elle ne me jugera pas et respectera mes besoins. Je peux compter sur elle en cas de souci et me fier à son expérience s’il faut partir à l’hôpital si c’est nécessaire.
            Après la naissance, je souhaite garder le bébé sur moi pendant le temps qu’il nous faudra pour nous rencontrer et laisser le placenta s’expulser sans aide (la chaleur et la première tétée qui provoque des contractions l’y aideront).
La toilette et les mesures attendront que nous soyons prêts.
Les heures et els jours suivants, nous nous sommes organisés pour avoir le moins de travail à faire : repas congelés, ménage délégué, congés pour le papa. Nous gèrerons les visites (plus d’arrivée impromptues ).
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            Bien sur, cela est une projection idéale. L’accouchement et les premiers jours avec bébé sont des moments peu maîtrisables et il faut savoir accueillir l’imprévu.
Je m’accorde le droit de revenir sur ma décision et j’accepterai l’intervention médicale si elle est justifiée.
Avant tout, la naissance est un phénomène physiologique, traitons le comme un problème médical quand une pathologie s’installe et non systématiquement.
Enfin ,arrêtons d’être contradictoire : d’un côté les femmes enceintes s’entendent dire qu’elles ne sont pas malades et doivent continuer leurs activités habituelles, même quand cela leur pèse, d’un autre côté, on les traite comme des malades à prendre en charge quand elles accouchent.
Laissons aux femmes la liberté d’accueillir leurs enfants comme elles le souhaitent et prenons soin d’elles car une femme enceinte a des besoins particuliers qu’il faut respecter et écouter.

Céline
fortyfamily@tele2.fr